Samedi 1er décembre, la foule en colère marche sur la place de l’Étoile, arrache les pavés et est à la limite de profaner la tombe du soldat inconnu.
Samedi 1er décembre, des français en colère manifestent partout en France et bloquent des péages, des ronds-points et des aéroports.
Samedi 1er décembre, des milliers de français sont entravés dans leurs déplacements, sommés de crier des slogans ou signer des pétitions.
Samedi 1er décembre, des politiques de tous les extrêmes s’empressent de soutenir ce fatras.
Samedi 1er décembre, des épouses, des maris et des enfants se demandent s’ils reverront leur conjoint ou parents autrement que morts.
Samedi 1er décembre, des hommes et des femmes s’attaquent à la force publique sensée les protéger, alors qu’elle tente de protéger les symboles de l’unité nationale.
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Dimanche 2 décembre, pas un élu ne peut se poser des questions sur sa responsabilité.
Dimanche 2 décembre, pas un citoyen ne peut se poser des questions sur sa responsabilité.
La colère qui s’exprime depuis plusieurs semaines en France à de multiples causes, réelles et sérieuses. Personne ne peut contester ces causes sans faire preuve de mauvaise foi. Cette colère est légitime.
Le contrat social, cet ensemble de règles qui permet à tout à chacun de participer et bénéficier en retour de la cohésion nationale ne fonctionne plus. Pourquoi ? Parce que les élites élues pour le maintenir au profit du plus grand nombre ont cessées de le faire. Aujourd’hui les garants de la Nation en sont devenus les parasites : argent, pouvoir et noblesse d’état.
L’élection d’Emmanuel Macron est un symptôme de cet impasse dans laquelle la Nation est arrivée. Élu par choix d’une minorité ET non choix d’une majorité, le président en exercice est incapable d’incarner les devoirs qui lui incombe. Le quinquennat, choisit par ses prédécesseurs pour restaurer une cour autour d’un monarque.
Je vais reformuler ce que je viens d’écrire : Emmanuel Macron a été élu par une majorité des voix exprimées. Élu. Donc choisit par le biais d’un système qui permet à chacun de s’exprimer. Ça ne me plaît pas plus qu’à nombre d’entre vous, mais il ne faut pas l’oublier : la Révolution Française à amené à ce système, qui lui même, par abandon d’une majorité d’entre nous, à permit l’élection du président.
On pourrait ergoter longuement sur ce sujet mais ce n’est pas mon intention ici. Les faits sont néanmoins les suivants : le mouvement actuel s’oppose, dans son hétérogénéité, aux fonctions d’une personne qui y a accédé par un système mis en place par le peuple.
Ça fait mal ça, hein ?!
Alors vous pouvez y aller de vos « Ce n’est pas mon président », « Ce n’est pas comme ça que ça marche », « Elu par 21% de français », « Pour contrer M. Le Pen », « Pas par le peuple, par les partis », « Choisit par les banques » etc.
Rien à faire de vos complaintes. Le président actuel a été élu à la fois par les votants, les abstentionnistes, les je m’en-foutistes et tous les autres. Parce que contrairement aux théories complotistes qui traînent sur les vidéos Youtube il n’existe pas une « intelligence supérieure », juste une connerie universelle.
Et c’est bien elle qui est aux commandes. Reprenons un peu le fil des évènements : une colère sourde qui s’exprime d’un coup sur une idée fantaisiste d’enfiler un gilet moche. Très bien. Franchement sur le fond moi ça m’allait bien : les citoyens prenant enfin leurs problèmes en main.
Et que firent-ils ensuite ? Ils allèrent bloquer les autres citoyens, les empêchant de faire leurs courses, d’aller travailler, d’aller et venir tout simplement. C’est à dire que quelques personnes énervées sont devenues des milices tout juste bonne à agresser (une irruption non souhaitée dans la vie d’autrui pour la contraindre est une agression) d’autres personnes.
Quid de la direction, de la stratégie, des réflexions et tout simplement de la raison ? Les gilets jaunes sont un mouvement citoyen, est-ce pour autant qu’il peut se passer d’un ou plusieurs chefs ? Bah non.
Il y a un facteur que les manifestants n’ont pas pris en compte : l’humain est un être grégaire, mais surtout égocentrique. Les difficultés exprimées par toutes et tous en enfilant un gilet jaune restent toutes personnelles. Chacun y va avec ses idées, ses attentes, ses revendications. Qu’est-ce qu’il en ressort ? Le capharnaüm.
Sans synthèse il n’y a pas d’idée. Sans idée il n’y a pas d’actions. Alors aujourd’hui que se passe-t’il ? La même chose que si vous laissez un ado décider seul de sa vie, sans conseil ni contraintes : le bordel.
Alors oui, je considère que l’Humanité est stupide. Et je me mets dedans évidemment. Mais je considère aussi que rien n’est perdu dès lors que collectivement nous acceptons de se remettre en cause.
La colère s’est exprimée, elle a même débordé au-delà de toutes limites en saccageant ce qui est un sanctuaire national contre les violences d’états. La guerre et les souffrances qu’elle cause au peuple ne peut être recouverte par des tags, ces souffrances ont marquées la vie de nos aïeuls et marquent encore celles de millions de vie chaque jour.
La colère du peuple français coûte autant voire plus à ceux qui l’expriment qu’à ceux qui devraient y répondre. Un exemple ? La semaine dernière à Châteaubriant, un magasin obligé de renvoyer ses salariés précaires parce que la zone était bloquée. Des soutiens devenus opposants. Bien joué.
Quant aux diatribes des tribuns de droite et de gauche, des fachos et des aristos : rien de plus qu’un moyen de survivre en surfant sur tout cela et en espérant que, par accident ou incompréhension, ils en deviennent les leaders. Comme le fut E. Macron.
Pas un leader politique actuel n’est à conserver. Pas un.
Alors vos « Macron démission » me font bien rire. On joue à un jeu ? Emmanuel Macron démissionne, que se passe-t’il ?
- Le président du Sénat assure l’intérim
- Une nouvelle élection est organisée
- Vous devez choisir parmi les candidats les deux qui seront au second tour
- Vous avez un président, s’ensuit les législatives
- Répétez l’étape 3 dans vos circonscriptions
- Vous avez un député, potentiellement presse-bouton pour l’étape 4
- Même joueur joue encore
En se rappelant que vous connaissez déjà les personnes qui participeront à l’étape 3, et que je doute que beaucoup d’entre vous acceptent de participer à l’étape 5 : se proposer à une élection sur la base d’un programme c’est compliqué, surtout tout seul.
Alors qu’est-ce qui est proposé par les gilets jaunes ?
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….
La royauté ?
Une dictature ?
Une nouvelle constitution ?
L’anarchie ?
Une guerre civile ?
Voilà, les choix ne sont pas très nombreux : 10.000 ans d’Histoire de l’Homme nous démontrent une chose constante : les révolutions menées par la colère aboutissent toujours à plus de pression sur le peuple.
Il est désormais temps que la raison prenne le pas sur la colère.
« Nul n’est content de sa fortune ni mécontent de son esprit »
Il est temps que chacun, participant ou non à ce mouvement, prenne conscience du besoin collectif de renouveler la démocratie et la société française.
Ce dont la France à besoin, ce n’est pas une nouvelle Révolution sanglante.
Ce dont la France à besoin, c’est de chacun, dans ses différences et ses envies.
Ce dont la France à besoin, c’est un gouvernement qui travaille pour toutes et tous.
Ce dont la France à besoin, c’est d’une vie publique assainie.
Alors gilets jaunes, écoutez la raison et non la colère. Dès aujourd’hui œuvrez à renouveler les structures politiques du pays :
- Que dans chaque village, chaque quartier, vous devez créer votre association et vous réunir, choisir un ou deux représentants qui porteront la synthèse de vos réflexions
- Dans chaque département, faites se réunir les représentants qui collectivement travaillerons à une synthèse de ces travaux, et redistribuez la à chaque participants
- Travaillez tous collectivement à construire la société idéale, partout. Et constituez des partis locaux, régionaux au plus puis une fédération et un mouvement national !
- Le système actuel est tout entier consacré à une bourgeoisie élective, et ne bougera que pour la préservez ou l’accroître. Utilisez-le ! Présentez-vous à toutes les élections, locales, nationales et européennes
- Et jamais, au grand jamais, ne laissez l’argent vous faire oublier pourquoi vous êtes là
Et si jamais il vous prend l’envie de croire qu’en jetant des pavés sur un CRS tout s’arrangera rappelez-vous qu’un enfant attend peut-être son père. Rappelez-vous que l’état doit vous protéger, même de vous-mêmes. Rappelez-vous que l’État, si ce n’est pas vous qui le choisissez ce sont les autres. Rappelez-vous que les autres n’ont pas plus envie d’être convaincu par vous que vous par eux.
Rappelez-vous que nous sommes 67 millions en France.
Rappelez-vous qu’ils sont quelques milliers à décider pour vous parce que vous avez cessé de vous intéresser à autres.
Rappelez-vous qu’être adulte, c’est un ensemble de responsabilités tant sociales que morales.
Rappelez-vous qu’une vidéo Youtube n’est pas plus crédible que l’interprétation d’une photo sur Facebook.
Rappelez-vous que vos besoins élémentaires à vous ne sont pas différents de ceux d’un enfant au Yémen.
Rappelez-vous que si vous me frappez, je vous frappe : la violence n’est jamais une solution, elle reste toujours un problème.
Rappelez-vous que des milliers d’autres révolutionnaires, avant, aujourd’hui et demain, pleurent leurs morts.
Rappelez-vous que Gandhi à décolonisé un pays sans violence.
Rappelez-vous qu’un élu doit servir, et que vous n’aurez jamais plus de reconnaissance qu’en le faisant vous-même.
Rappelez-vous !
La mémoire d’un peuple fait sa force, mais sa colère l’affaiblit.